Le milieu de la critique est aujourd’hui, trop déifié et mis à distance comme une forme d’écrit élitiste, seulement accessible aux intellectuels et universitaires. J’aimerais aujourd’hui démonter ce mythe et permettre d’ouvrir une porte sur tout un pan de la littérature qu’on en regarde que trop peu souvent : la critique. Richard est un critique de choix puisqu’il est parmi les plus accessible à mon sens
Jean Pierre Richard est un critique littéraire français, né à Marseille en 1922 et mort récemment en 2019. On l’inscrit sans tort, au coeur d’une critique thématique dans la veine d’un Gaston Bachelard ou d’un Georges Poulet. Précisions ensemble : le thème, étudié par ces thématiques n’est pas tant un sujet de l’oeuvre mais plutôt une forme de préoccupation nerveuse qui revient sous la plume de tel ou tel auteur au moment de l’écriture et même de la correction des épreuves. Les thématiques sont ainsi ces critiques qui s’intéressent à une forme d’expression subconsciente de motifs mentaux et poétiques qui trouvent une signification propre dans l’oeuvre.
Le lecteur sera sans doute surpris de mon choix de critique, lorsqu’il lira la syntaxe quelque peu tortueuse, le vocabulaire obscur et la difficulté général de la pensée de Richard : Si j’affirme l’accessibilité de Richard, c’est avant compte-tenu de l’expérience de la critique qu’il propose. À travers les plus connus de ses ouvrages : Poésie et Profondeur, Onze études sur la poésie française, Études sur le romantisme et Proust et le monde sensible, pour ne citer que mes préférés, il soumet le lecteur à un effort de pénétration dans le texte. On ne comprend pas tout, mais on finit par comprendre le plus important : l’effort de pénétration dans le texte littéraire nécessaire. En entrant dans Richard, on rentre chez l’écrivain dont il parle.
Richard propose deux principaux types de critiques : le « parcours » et la « microlecture ». Ces deux positions fonctionnent de la même manière que deux loupes permettant de voir à différentes échelles le texte. Le parcours propose d’élaborer à la manière d’un peintre impressionniste le paysage du texte d’un auteur. Il choisit des thèmes privilégiées qu’il ajoute les uns et aux autres afin de donner forme à un tout dans un approche en pointillés. Le parcours est donc une approche de globalisation. En parallèle, la microlecture, est une position inverse, elle s’intéresse à l’extrêmement bref (pouvant s’intéresser à un court texte, un poème, voire même une phrase, un mot et souvent même : un silence signifié par la ponctuation et la graphie). Dans les deux cas, l’oeuvre de Richard est phénoménale à lire : soit parce qu’elle fait voir l’infiniment grand soit parce qu’elle fait voir l’infiniment petit de l’univers poétique d’un auteur. On ressent un véritable vertige en lisant ses textes et c’est justement pour cela que j’ai choisi de vous présenter son oeuvre. Il faut comprendre que Richard ne se voit pas comme un universitaire à la plume aride, il voit la critique comme un art à part entière qui soumet l’auteur et le lecteur à une méthode stricte : en un sens, une forme de savoir-faire. Il ralentit nécessairement l’approche des textes (s’interessant parfois au plus minuscule détail) pour en extraire tout le jus. Il faut bien saisir que Richard était habité par les textes qu’il écrivait. Sa correspondance révèle que ses paysages étaient encore l’objet de ses réflexions et qu’il trouvait toujours un nouveau pan ou une nouvelle touche de couleur à ajouter. Les couleurs, sont d’ailleurs, puisqu’on parle d’elles, essentielles à la compréhension de sa critique. Il choisit toujours une lecture vivante, en couleurs, passant du bariolé proustien au fade verlainien. Ses oeuvres témoignent d’une capacité à dresser un spectre chromatique en évolution afin de révéler toutes les nuances existantes. Il y a, en un sens, pour tout, couleurs, éléments, thèmes, etc, une volonté de recensement nécessaire qui encadre ses paysages dans une globalité harmonieuse et qui donne au lecteur le plaisir de comprendre une oeuvre littéraire différemment (comme une photographie qui ferait voir un angle mort dans un lieu qu’on a sous les yeux). Or ce paysage clos, évolue dans la conscience du lecteur et du critique et sort ainsi du cadre pour préserver son mouvement perpétuel. Le parcours de Richard se rapproche d’une conception du don littéraire, dans le sens où ce dernier n’est jamais vraiment fini, il donne l’élan à un lecteur, qu’il soit professeur, étudiant où simplement curieux pour re rentrer chez un auteur et le lire différemment. Il veut nous apporter une connaissance littéraire qui aurait le même effet sur le texte qu’un art documentaire qui informe sur le monde.
J’espère que cette brève chronique vous aura donné l’envie de vous pencher sur l’oeuvre de Jean Pierre Richard dans un élan de démocratisation de la critique et plus largement de la culture. C’était l’une de ses volontés personnelles, lui qui intellectualisait le jeux de boules marseillais et qui proposait une lecture acidulée des textes littéraires. Richard donne plaisir à lire, il oblige de glisser tête première dans les œuvres et dans son univers personnel, et c’est une expérience unique que je recommande à tous.

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